ELEMENTS DE REFLEXION SUR LA TRANSITION AU MALI
- Un Coin Du Sahara
- 28 août 2020
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 oct. 2020
I- Rappel
Le Mali en est à son 4e coup d’Etat : 1968, 1991, 2012 et 2020. Le 1er régime déchu était un régime avec un parti unique (USRDA[1]) . Les auteurs des coups d’Etat sont issus des rangs de l’armée. Ils ont surfé sur un mécontentement populaire. Cela n’est pas tout à fait admis pour le 1er coup d’Etat. Le contexte international était dans certains cas clairement favorable (1er coup d’Etat). Dans les autres , dans 2 cas, il y a eu une conjonction de la rébellion et du mécontentement populaire. Le dernier cas a connu en plus de la conjonction de la rébellion et du mécontentement populaire, une forte insécurité dû à l’invasion djihadiste et à la crise Libyenne. Il faut dire, que certains maliens pensent que la rébellion est, elle - même, provoquée par la France, d’autres attribuent l’invasion djihadistes à un interventionnisme étranger. En revanche, ce sur quoi tous sont unanimes à l’étranger comme à l’intérieur, c’est la mauvaise gouvernance du pays qui a créé des difficultés économiques, sociales et qui ont débouché sur un manque de confiance dans les institutions jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.
Le 1er coup d’Etat n’a pas connu de transition. Ce fut un régime militaire, d’abord sous la forme du CMNL[2], dirigé par le Général Moussa Traoré, alors .Lieutenant. Ce régime s’est transformé en un régime avec une assemblée de parti unique (UDPM[3]) toujours sous la conduite de Moussa Traoré. Le 2e coup d’Etat a connu une transition sous l’égide du CTSP[4] qui comprenait des civils et des militaires. Le CTSP était dirigé par le Général Amadou Toumani Touré, alors capitaine, avec un premier ministre civil, M. Zoumana Sacko. Cette transition a duré 12 mois. Durant cette transition, une nouvelle constitution et un nouveau code électoral ont été écrits ouvrant la voie au pluripartisme. La transition menée s’est achevée avec l’élection de M. Alpha O. Konaré comme président. Le coup d’Etat de 1991 a donné naissance à la 3e République. La troisième transition a été dirigée par un civil, Le président Dioncounda Traoré, alors président de l’Assemblée Nationale. Cette transition a duré 18 mois (Avril 2012 à Septembre 2013). Elle s’est terminée par l’élection d’un nouveau président, M. Ibrahim Boubacar Keita. Le 4e et tout récent coup d’Etat par des jeunes officiers dirigés par le colonel Assimi Goita s’est opéré avec la démission du Président sortant et la dissolution par ce dernier de l’Assemblée Nationale.
II- De la transition
Si on regarde l’histoire des coups d’Etat, le scénario proche du contexte du récent coup d’Etat est la situation de 1991 : La junte en 1991 a parachevé le travail d’un mécontentement populaire porté par le mouvement démocratique tiré par l’ADEMA[5] – Association (devenu plus tard, parti politique), le CNID[6]-FYT et d’autres. Le récent coup d’Etat d’août 2020 a parachevé le mécontentement populaire porté par le M5-RFP[7] et les contestations qui l’ont précédées, Anté, A bana[8] et d’autres. Ceci ne veut pas dire que le M5 -RFP[9] est identique à l’ADEMA-PASJ[10], ni que la junte de 1991 est identique au CNSP[11]. Ce dernier coup d’Etat s’est passé sans morts. En 2020, les maliens disent attendre une refondation de l’Etat pour permettre une bonne gouvernance, le retour de la sécurité et le recouvrement de l’intégralité territoriale.
La bonne gouvernance ne peut se faire qu’avec une participation et implication des citoyens à la base (niveau local, régional). La faiblesse de l’apport politique au niveau régional et local par rapport au niveau national exprime la nécessité d’apporter un souffle nouveau. La constitution de 1992 a instauré le multipartisme et les instruments permettant la décentralisation. Les difficultés rencontrées par les régimes successifs de 1991 à 2020 montrent qu’il est indispensable d’aller au-delà pour réaliser une démocratie ancrée dans nos valeurs, une aspiration véhiculée par tous les maliens, toutes tendances politiques et sociales confondues. Les reformes politiques qui permettraient ce nouveau souffle justifient à elles seules une refondation cohérente et en profondeur du système sur les trois niveaux (local, régional et national).
- De l’organe dirigeant de la transition ?
Le Président sortant a démissionné et dit qu’il n’a pas de velléité de revenir aux affaires. L’Assemblée Nationale a été dissoute par le président sortant. Le CNSP a pris la responsabilité de mettre un terme au duel entre le président sortant et le mouvement populaire contestataire. Le CNSP se défend d’avoir voulu fait un coup d’Etat illégitime. Les acteurs du CNSP et du M5-RFP disent n’avoir pas délibérément collaboré. Il n’en demeure pas moins que les circonstances font du M5-RFP et du CNSP des alliés objectifs. Il paraît raisonnable de penser que Le M5-RFP et CNSP participeront ensemble à une transition. Reste à convaincre la communauté internationale y compris Africaine et Ouest africaine de la nécessité d’une transition et d’obtenir leur soutien indispensable.
Les discussions en cours entre la CEDEAO[12] et Le CNSP semblent montrer que cette dernière n’est pas contre le CNSP, ce dernier lui aussi joue clairement le jeu diplomatique de séduction « pour l’intérêt supérieur des Maliens ». Pour le moment, le CNSP devient « la tête de proue » du jeu politique dans le pays. Dans cette éventualité, le soutien du M5-RFP est crucial au CNSP, car le CNSP est sans assise politique, sans prétention politique, et ne veut pas accaparer le « pouvoir politique ». Le « rôle » du CNSP ne sera donc que limité dans le temps et d’exception.
Les signaux envoyés par la communauté internationale sont clairs : Le changement est acté, mais le pouvoir doit être remis aux civils. La normalité ne reviendra que lorsque le pouvoir sera remis « le plus vite possible » à un président « démocratiquement élu ». Il est important de savoir avancer avec cette réalité. Le mot « souveraineté » revient souvent dans les débats. La souveraineté est un concept difficile qui doit être manié avec précaution. Il évolue dans le temps du fait des engagements souverains pris par l’Etat, lui-même, d’une part, et, d’autre part, par les partenaires.
- De la refondation de l’Etat : la satisfaction des nouvelles revendications nécessitera-t-elle une nouvelle constitution ?
Rappelons que les acteurs politiques sont unanimes sur la nécessité de la refondation de l’Etat pour assurer une bonne gouvernance, le retour de la sécurité et recouvrer le territoire. Cette refondation nécessitera une révision de la constitution. Pour réviser la constitution il faut des concertations. Pour entamer les concertations, il faut un cadre de dialogue.
La refondation demandera aussi d’affiner le code électoral pour éviter les difficultés rencontrées durant les dernières décennies (influence de l’argent, tripa touages, contestations). Des concertations entre les acteurs (classe politique, société civile, leaders d’opinions, …) pour stabiliser le cadre des élections et permettre la tenue d’élection générale crédible et transparente seront nécessaires.
- Une révision de la constitution suffira -t-elle ?
Un climat de paix et de sécurité est indispensable pour mener à bien les actions visant la refondation de l’état. Ceci implique de contenir les djihadistes par les armes et en contrecarrant leur idéologie, maintenir un climat de dialogue avec les mouvements armés, freiner les forces de divisions entre communautés. Il faudrait donc :
· Mobiliser toutes les corps armées, y compris les mouvements signataires de l’accord d’Alger, les forces internationales et africaines présentent dans une dynamique d’ensemble visant la lutte contre la terreur.
· Réconcilier les maliens entre eux,
· Préparer le terrain à une saine reprise des joutes politiques,
· Redonner espoir aux Maliens en posant des actions qui concurrent à un mieux-être des maliens, notamment en améliorant le quotidien des maliens y compris assurer les conditions d’un bon approvisionnement du pays, campagne agricole, l’état sanitaire, etc.,
· Faire le point des engagement internationaux, africains et sous régionaux du pays et faciliter leurs respects et prendre les dispositions idoines pour leur continuité.
- Quels acteurs pour la transition ? (Qui va diriger la transition ?)
A cause du contexte deux acteurs sont identifiés, le CNSP et le M5-RFP. Il est entendu que pour réussir la transition toutes les forces et courants de pensées doivent participer (partis politiques, société civile au niveau local, régional et national).
Probablement, tous ces acteurs auront à choisir des représentants qui formerons un collège transitoire, qui choisira en son sein un président et un premier ministre. Le président et le premier ministre choisiront un gouvernement. Le conseil transitoire aura un rôle d’orientation et de contrôle.
- Quel mandat pour la transition (y compris sa durée) ?
L’expérience du passé montre qu’une période de 12 mois est un plancher. Il faut savoir que la situation du pays s’est transformée : la classe politique est plus divisée, qu’elle ne l’était en 1991, l’insécurité a pris des formes graves. Les 12 mois ne seront probablement pas suffisants, si l’on veut s’attaquer à toutes les questions énumérées ci-dessus.
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