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MOHAMED ELMEHDI AG ATTAHER ALANSARY A PROPOS DE L'OCRS

Dernière mise à jour : 19 sept. 2021

Extraits des Mémoires de Mohamed Elmehdi Ag Attaher Alansary par rapport l'indépendance du Soudan Français (actuel Mali) et à la création de l’OCRS.[1]


Mohamed Elmehdi rajoute au sujet de l’OCRS :


« Le Président Modibo Keïta, sous la loi cadre, m’a demandé de voir le Président Houphouët Boigny, premier président de la Cote d’Ivoire, pour soutenir sa position qui est celle de voir le Soudan Français dans sa forme actuelle accéder à l’indépendance.


Je me suis rendu donc en tant que messager auprès du Président Houphouët Boigny. Le Président Houphouët m’a alors confié qu’il pensait que c’était mieux que la partie nord du Soudan Français soit une entité à part et le Soudan du sud une autre. Je lui ai dit que, bientôt, l’Algérie serait indépendante, la Mauritanie aussi et de toute évidence le Soudan Français aussi. Ma vision est que si notre situation ne se règle pas en même temps que les deux premières entités nous resterons une pomme de discorde, car il est clair que l’Algérie ne cédera pas son sud et la Mauritanie non plus. Je lui ai dit que le Président Modibo avait dit, que si le Soudan venait à prendre son indépendance dans ses limites actuelles, qu’une fois que le colon nous aura donné notre indépendance, qu’il y aura la démocratie, l’égalité des citoyens du sud et du nord ; qu’il veillera personnellement à ce que plus de cadres Touaregs, Arabes et du nord en général soient dans l’administration afin qu’il y ait un équilibre. Que chaque communauté gèrera ses affaires dans un pays commun. Qu’il y aura des écoles tant au nord qu’au sud et pour toutes les communautés. Nous, les Touaregs, ne faisons aucune différence entre nos frères africains du sud ou du nord. Puisque les entités sont déjà dessinées par le colon, nous resterons dans celle où nous sommes déjà, avec nos frères du sud.


"Houphouët m’a dit : « Monsieur le député, effectivement ce serait très beau d’avoir un pays multiethnique et c’est l’avenir du monde, et je respecte votre volonté ! »


« J’ai aussi reçu l’Inspecteur de l’intérieur, qui faisait office de ministre de l’Intérieur, au moment de la loi cadre. Il était venu à Goundam exprès pour me voir. Il m’a posé la question de savoir si nous voulions être avec l’OCRS ou le futur Soudan.


Je lui ai dit : « Vous représentez l’autorité de mon pays aujourd’hui, si je vous disais que je me sépare de cette entité que vous avez créée, quelle sera votre réaction ? »


Il m’a répondit ceci : « Je vous arrêterai et tous ceux qui ne veulent pas de cette entité soudanaise. »


Je lui ai alors dit : « Monsieur, l’Inspecteur, pourquoi voulez-vous que je me désolidarise de cette entité que vous avez créée et dont vous vous déclarez être responsable de son intégrité. Moi je veux sauver ma peau et celle de ma population.»


C’est ainsi que l’on s’est quitté.


Malheureusement à l’indépendance, il y avait très peu de cadres de chez-nous dans les rouages de l’Etat. Je fus pour ainsi dire le seul député touareg sous la première république sous Modibo Keita, il y avait un seul sous-officier. Avec le virage vers le communisme, ce fut une époque difficile, même si personnellement j’ai toujours eu des rapports respectueux avec Modibo Keita.


Avec Moussa Traoré, beaucoup a changé, il y a eu plus de cadres dans le parti comme dans l’administration. Mais il se trouvait que le mal était déjà fait, les massacres à Kidal, les détentions des cadres Touaregs à Goundam et ailleurs, les retraits des terres à leurs propriétaires en terme de soi-disant réforme (ou en dehors de toute réforme ?). Le germe du conflit était là. Le rôle que je me suis donné était d’éviter que nous ne soyons dans la même situation que Kidal : préserver les vies humaines. Cette ouverture faite par Moussa Traoré a sauvé la région de Tombouctou avant les bouleversements que vous-même connaissez.


Le principal problème est la corruption et le niveau des cadres. Ils se faisaient élire non pour servir, mais pour se servir. Il y avait un double langage : officiel et officieux en plus de la situation générale du pays qui s’aggravait de plus en plus. Et cela tout le monde l’a vu et le voit. La solution ? »

MOHAMED ALI ET SON FRERE MOHAMED ELMEHDI

DAG ATTAHER ALANSARY


[1] Source : Zakiyatou Oualett Halatine, Chronique Kal Ansar, le tambour suspendu, Harmattan, février 2016, pp. 32 à 34

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